Suivre les écorces-balises avec attention

C'est toujours un bonheur de pénétrer dans la Forêt de Bébour ou celle de Bélouve hors des sentiers connus et souvent abandonnés par l'ONF. Les tangues, zendettes, palmistes ou faham attirent les chasseurs marrons loin de ces sentiers officiels. Une fois débusqués au hasard d'une balade, ils sont plus ou moins faciles à suivre dans la jungle moussue des forêts primaires. Si le randonneur guette souvent les balises peintes sur les arbres ou les roches, les braconniers ont besoin de se retrouver facilement une fois le sac rempli. Hormis de rares rubalises, ce sont surtout les coups, parfois violents, laissés sur les écorces des arbres qui guident le long des sentes discrètes marquées par leur passage. Contrairement à certaines sorties proposées sur le site dans ces forêts profondes où le GPS est indispensable, il est ici assez difficile de se perdre sur cette boucle. Les arbres mutilés sont très nombreux et il est primordial de se poser toujours la question de savoir où se situe la dernière écorchure repérée. Si plus de deux minutes ou 100 m se passent sans en apercevoir, il faut impérativement faire demi-tour et rechercher obligatoirement le prochain repère. Hormis cette difficulté d'orientation, le bonheur est constant dans ce paysage presque plat offrant à tout moment un arbre caractéristique, une orchidée en fleur, une ravine au fond moussu et des dizaines d'arches végétales qui imposent de se baisser souvent. Il est inutile de préciser qu'il ne faut jamais partir seul car il n'y a aucun réseau sur tout le parcours. Il est recommandé également d'avoir une solide expérience de ce genre de découverte.

La randonnée débute ici au parking du sentier botanique de Bras Cabot et permet de marcher un peu en échauffement jusqu'au Sentier de la Rivière. Elle peut également commencer au Sentier du Piton Bébour, au parking du Bras Chansons ou au plus près du Sentier de la Rivière. Le parcours est une balade reposante le long de la route à faible circulation (Photo 1). De chaque côté, la forêt semble impénétrable et il est amusant de rechercher des traces de passages. Franchir le pont sur le Bras Chansons en profitant d'un des rares points de vue de la journée vers le Piton des Neiges (Photo 2). Au premier virage important vers la droite, emprunter le sentier de la Rivière. Peu fréquenté, il est tout de même facile à suivre même s'il comporte quelques arbres couchés en travers et de longues portions de planches pourries (Photo 3). Rejoindre la première petite ravine imposant une descente courte mais raide pour la franchir. Au lieu de poursuivre sur le sentier, partir à gauche et suivre ce petit cours d'eau presque à sec (Photo 4). Pas d'itinéraire précis ; la remontée s'effectue à l'instinct en guettant les traces très discrètes de passage. Suivre le fond rocheux la moitié du temps et les berges en rive droite ou gauche l'autre moitié (Photo 5). Quelques touffes de vigne marronne, des petits bassins peu profonds ou des arbres en travers obligent à un peu de gymnastique (Photo 6). On quitte la ravine à un moment, pensant ne pas la revoir. Emprunter le sentier en forte pente en direction de la forêt tout en cherchant les premières marques sur les arbres (Photo 7). On retrouve rapidement la ravine qui a simplement fait un coude sur la gauche. Poursuivre vers sa source et la quitter quand elle n'est plus visible. La randonnée en forêt débute vraiment ici après 30 minutes à suivre, toujours au plus près, ce petit cours d'eau, affluent de la Rivière des Marsouins. Garder les yeux à un mètre de hauteur pour se rassurer chaque fois que l'on rencontre une cicatrice sur l'écorce (Photo 8). Il y en aura des dizaines jusqu'à la fin et leur disparition momentanée est un signe d'égarement qui impose de revenir à la précédente (Photo 9). La trace, plus ou moins visible, très sinueuse, se dirige vers le sud. Jamais de la matinée on ne pourra parcourir plus de 20 m en ligne droite. Le sous-bois est parfois clairsemé et des traces peuvent prêter à confusion. Garder à l'esprit de toujours avoir à vue les balises marronnes. Au sommet d'une petite colline, de rares trouées dans la végétation permettent d'apercevoir le Rein de Duvernay (Photo 10). La descente en direction de la prochaine ravine est assez pentu à travers les fougères et sous de très hauts tamarins (Photo 11). A l'approche d'une nouvelle ravine, le sentier repart vers l'est avant de poursuive au nord. Pas d'inquiétude, surtout si la trace est encore visible et les arbres mutilés (Photo 12). La forêt est toujours aussi touffue même si l'on rencontre parfois de minuscules clairières (Photo 13). L'une d'entre elles, plate à souhait, doit servir de lieu de bivouac aux chasseurs. Des traces de foyer et la bâche en cas de pluie trahissent leur passage (Photo 14). Comme souvent aux abords des camps marrons, plusieurs directions se repèrent dans le sous-bois. Ici, passer au plus près de la bâche et partir légèrement à gauche. La forêt, de plus en plus magnifique, impose une halte photo (Photo 15). Les très nombreuses arches obligeant de se baisser représentent le seul  effort de la boucle puisqu'il y a très peu de pente. La peau, les vêtements et le sac à dos se remplissent à chaque fois des débris de végétaux morts (Photo 16). Le sentier passe plus loin près d'une nouvelle ravine qu'il faudra quitter au premier bassin en partant en rive droite pour franchir le fossé (Photo 17). Poursuivre, toujours dans le même décor végétal et marcher plein sud en direction du Bras Chansons (Photo 18). Après une descente abrupte de près de 15 mètres on parvient à cette ravine souvent en eau malgré la sécheresse. Le cadre magique créé par les arbres moussus et le joli bassin sous une grande grotte en font le lieu idéal pour une pause casse-croûte (Photo 19). Le sentier se poursuit juste en face du bassin par une nouvelle pente. De balise en balise, on poursuit la traversée de la forêt, toujours aussi magnifique (Photo 20). Se méfier des palmistes que l'on pourrait saisir pour se retenir (Photo 21). Les aiguilles de 10 cm, très fines, provoquent de violentes douleurs. Une nouvelle descente rapproche d'une ravine très rocheuse. La quitter aussitôt en face d'une grotte surmontée d'un gros tronc de tamarin mort (Photo 22). La dernière ravine se remonte sur une vingtaine de mètres en prenant garde à ne pas glisser sur les plaques basaltiques recouvertes de mousse humide (Photo 23). L'échappatoire, plus discrètement marquée sur les écorces, est instinctive en rive droite en grimpant le talus très peu touffu à cet endroit (Photo 24). La pente en direction du Piton Bébour indique la fin prochaine de la boucle. Profiter une nouvelle fois des beaux arbres et des branles (Photo 25). Un amoncèlement de racines sous le porche naturel d'un grand arbre se trouve à quelques pas du sentier officiel (Photo 26). 4 minutes plus tard, on arrive sur ce sentier que l'on emprunte vers la gauche à moins de se faire plaisir et d'effectuer le tour du Piton Bébour. Après trois heures à chercher constamment son chemin, ce sentier, pourtant de plus en plus étroit, semble une avenue où la marche peut atteindre 6 km/h (Photo 27). L'endroit, très visité par les touristes et les marcheurs, est un pur plaisir avant d' atteindre la route (Photo 28). Rejoindre le véhicule en fonction de son lieu de stationnement.

Profil

Plan de l'itinéraire

  Tables à pique-nique, en partenariat avec Carte de La Réunion.

  Sites géologiques, en partenariat avec Laurent Michon, laboratoire Géosciences Réunion.

Itinéraire

Se rendre à la Plaine des Palmistes et prendre la direction de la Petite Plaine puis de Bébour-Bélouve - Franchir le Col de Bébour, stationner le long de la route entre le Piton de Bébour et le Sentier de la Rivière - Emprunter le Sentier de la Rivière jusqu'à la première petite ravine. La suivre un moment avant d'entamer la boucle dans la forêt en suivant les marques de passages laissées par les braconniers - Rejoindre le sentier du Piton Bébour et partir à gauche vers la route puis vers le véhicule.

Commentaires sur cette randonnée (2)

Juanitarun, 28/01/2025 17:25

J’ai démarré cette plongée en forêt primaire au sentier de la Rivière, histoire d’avoir l’énergie et la météo avec moi dans les parties hors sentier officiel. Bravo à Laurent d’avoir trouvé ces sentiers braco et composé cette boucle. Il m’aura fallu plus de 5h pour la compléter. J’ai suivi les blessures sur les arbres et pourtant, je me suis égaré ou douté 3-4 fois. Heureusement que j’avais le GPS pour me ramener vers la trace. Le texte aide énormément à trouver son chemin aussi. Sympa!

Walking Dog 974, 25/01/2025 20:44

Randonnée complétée le 22/01/2025 en 4h00

Bonjour, grâce à Laurent et à Jean-Paul , j’ai découvert cette bien belle boucle bienfaisante.
Merci à eux pour la proposition.

J’ai apprécié notre marche dans cette forêt , à l’ombre et dans la fraîcheur. Même le chien a aimé ! C’était dépaysant et agréable !

PHOTO 1 : un des rares points de vue de la boucle.
Ils se comptent sur les doigts d’une main.
C’est normal, cette randonnée n’est pas faite pour ça !

PHOTO 2, 3 et 4 : non, cette randonnée est une superbe immersion dans une forêt remplie de tamarins des Hauts, d’épiphytes recouvrant des troncs tortueux et entremêlés, formant des arches énormes et si plaisantes à passer ; l’étendue verte est parfois agréablement traversée par des lits de ravines plus ou moins importants et parsemés de petites mares.
Tout cela occasionne moultes contorsions, descentes ou grimpées assez sportives sur un relief agréablement faible, ce qui facilite ainsi la marche.

Mais attention, la plus grande difficulté de cette sortie se trouve dans son potentiel d’égarement.
Ce n’est pas pour rien que Laurent a organisé 3 reconnaissances préalables à la création de cette nouvelle boucle, et que Jean-Paul recommande bien de repérer minutieusement les « balises au couteau » Et de ne pas y aller seul.

Les fameuses marques de sabre faites par les braconniers sont présentes, mais elles ne sont pas toujours évidentes à voir.
Il faut prendre le temps de dénicher ces marques, quitte à revenir un peu en arrière.

A côté de cela, si certaines portions sont relativement évidentes et prises spontanément par les marcheurs, d’autres sont contre-intuitives (elles ne ressemblent en rien à des passages) !
Et pourtant ce sont bien ces voies qu’il faut prendre !


Mais au bout, quelle belle marche ! Quelle belle bolée d’air frais !

PHOTO 5 : la solitude et l’interrogation du marcheur dans cet uni-vert  😉 :

To Bebour or Not to Bebour ? 😁😂😂

Merci à Laurent qui partage généreusement ses trouvailles pour en faire profiter les randopitonneurs.

Merci à Jean-Paul pour son travail énorme de mise en valeur et de présentation des perles proposées.